23/11/2020
Une dérive autocratique
Au fil des ans on ne peut que constater une dérive autocratique du pouvoir en France : abus de pouvoir, mise à l’écart du gouvernement, mépris du parlement et de la volonté populaire. La France s’éloigne de plus en plus d’un régime démocratique et dérive vers quelque chose voisin du Second Empire.
Comment en est on arrivé là ? en interprétant de façon erronée, volontairement ou non, la Constitution, en n’en tenant pas compte voire en ne publiant pas les lois nécessaires.
Chef des armées
L’exemple le plus remarquable est l’interprétation erronée de l’article 15 de la Constitution qui précise : « Le Président de la République est le chef des Armées » . Cette affirmation est considérée même dans les hautes instances militaires comme une autorisation donnée au Président d’entreprendre toute intervention militaire qui lui passe par la tête sans prendre l’accord du Gouvernement et du Parlement. Nous sommes intervenus de ce fait en Irak, en Serbie, au Rwanda, en Afghanistan, en Syrie, en Libye sans que nos intérêts soient menacés et sans consulter le Parlement.
On considère que la décision d’engagement est une prérogative régalienne attribuée au Président par l’article 15 de la Constitution et l’article 5, alinéa 2, qui fait de lui « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ».
En fait le président profitait de l’article 35 de la Constitution qui se limitait à : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ». Comme on ne déclare plus la guerre, cet article était considéré comme obsolète et s’appuyant sur les articles 5 et 15, le Président se pensait autorisé à intervenir où il le jugeait bon.
Evacuons rapidement l’article 5 : aucune intervention n’a été motivée par une menace contre l’indépendance nationale et le respect du territoire et notre appartenance à l’OTAN ne nous obligeait nullement à le suivre dans ses errements.
Intéressons nous à la signification de « Chef des Armées » attribué au Président de la République. Si on étudie les constitutions ayant régi la France depuis la Révolution, on s’aperçoit que Louis XVI en 1791 bénéficiait du même titre, qui était aussi attribué aux deux Présidents de la quatrième république or ni l’un ni les autres ne disposaient du droit d’engager des opérations militaires. Il s’agit en fait d’un « titre » signifiant que le Président est au sommet de la hiérarchie militaire, titre purement honorifique.
Remarquons que la disposition des forces armées est ce qui sépare les régimes autoritaires, monarchie, empires, des régimes parlementaires. Nous voilà donc ramené au Second Empire qui entraina la France en Crimée, en Italie, en Chine, au Mexique pour finir à Sedan.
En 2008 à l’initiative du Parlement l’article 35 a été complété de la façon suivante : « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.
Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.
Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante » Si le but du Parlement était bien d’avoir un droit de regard sur les opérations extérieures, le gouvernement a considéré cet ajout comme un blanc seing et tout en respectant la procédure, continue à intervenir militairement sans demander l’accord du Parlement.
Le Parlement
Depuis l’institution du quinquennat comme durée du mandat du Président de la République, les élections législatives interviennent immédiatement après celle du Président. Il en résulte que le parti présidentiel dispose automatiquement de la majorité, le Parlement devient un Parlement croupion votant ce qu’on lui dit de voter et se limitant de temps en temps à être à l’origine d’une loi sur l’élevage des visons. Les articles 20 et 24 de la Constitution prévoyant que le Gouvernement est responsable devant le Parlement et que le Parlement contrôle l’action du gouvernement, sont des vœux pieux qui ne correspondent à rien.
Le Gouvernement
L’actuel Gouvernement est constitué de 17 ministres et de 28 ministres délégués et secrétaires d’état. Le conseil des ministres réunit donc avec le Président 46 personnes. Un tel aréopage ne peut avoir aucune efficacité en période de crise. Evidemment on pourrait prévoir un conseil restreint réunissant uniquement ceux qui sont impliqués dans la gestion de la crise. Ce n’est pas la solution retenue, pour gérer la crise de la Covid on a vu apparaître un « conseil de défense » se tenant dans le bunker présidentiel et tenu au Secret de Défense échappant donc au Conseil des Ministres et au contrôle du Parlement.
L’article 15 de la Constitution prévoit bien l’existence de conseils supérieurs de la défense nationale, mais en aucun cas l’existence d’un Conseil de Défense s’occupant de sécurité sanitaire et prenant des décisions en dehors de tout contrôle. On peut se demander si l’existence de ces Conseils de Défense n’a pas pour but de faire échapper les ministres à l’article 68-1 de la Constitution prévoyant la responsabilité pénale pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
Volonté populaire
La démocratie est un système de gouvernement qui gouverne au nom du peuple souverain comme le dit l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Le pouvoir actuel se méfie du référendum à l‘issue incertaine en période de crise ou sur des sujets sensibles comme l’immigration. Il préfère inventer de curieuses instances comme la commission de 150 citoyens tirés au sort discutant de la transition écologique et qui, largement encadrés par des experts, font des propositions pour palier les malheurs des animaux d’élevage et la disparition de la biodiversité.
Absence de lois
Pour terminer on peut aussi constater la persévérance à ne pas publier les lois nécessaires à certains sujets sensibles dont on ne veut pas débattre. Il s’agit par exemple de la Dissuasion : aucun texte du niveau de la loi n’en traite, au mépris de l’article 34 de la Constitution qui prévoit : « La loi détermine les principes fondamentaux : -de l'organisation générale de la Défense nationale », en particulier aucun texte n’attribue au Président de la République le pouvoir d’engagement des forces de Dissuasion. Le silence législatif sur tout ce qui se rapporte à la Dissuasion permet de ne jamais en débattre et de laisser ce sujet sensible à un soi disant « domaine particulier du Président » qui n’a aucune existence légale.
Conclusion
Le pouvoir évolue à l’évidence s’éloignant du régime parlementaire vers un régime de plus en plus autocratique, la souveraineté nationale appartient de moins en moins au peuple et à ses représentants. De plus la France abandonne de plus en plus son indépendance au profit d’instances européennes que les Français ne considèrent pas comme légitimes.
Un régime présidentiel n’est pas forcément à rejeter mais il ne peut être accepté que s’il existe un homme suffisamment indiscutable pour l’incarner. N’est pas De Gaulle qui veut.
15:12 Publié dans actualites, Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : autocratique, chef des armées, opex, parlement, gouvernement, conseil des ministres
30/07/2017
Chef des Armées.
Pendant la crise consécutive à l’intervention du général de Villiers devant le commission de la Défense Nationale, le président de la République a déclaré devant un aréopage de militaires « Je suis votre chef » signifiant par là que les militaires n’avaient qu’à obéir sans discuter.
« Votre chef », voire : il est de fait que l’article 15 de la Constitution est rédigé ainsi : « Le président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale ». Encore faut il savoir ce que signifie « chef des armées ». Si on se réfère au code de la Défense qui regroupe tous les textes législatifs et réglementaires concernant la Défense, on trouve à l’article L1121-1 traitant des attributions du « président de la République, chef des Armées » : "Le conseil de défense et de sécurité nationale, de même que ses formations restreintes ou spécialisées, notamment le Conseil national du renseignement, sont présidés par le Président de la République, qui peut se faire suppléer par le Premier ministre. ». Rien d’autre, aucune référence à un quelconque droit d’engager les armées ou d’en prendre le commandement. Il est vrai que le code de la Défense regroupe surtout des textes anciens voire périmés, notamment l’ordonnance sur la Défense de 1959 rédigée avant l’existence de la dissuasion et des opérations extérieures ; depuis rien n’a été rédigé et la Défense vit de nos jours dans un total vide législatif alors que la Constitution en son article 34 précise : « La loi détermine les principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense nationale »
Pour connaître l’origine et la signification du titre de « chef des armées », il faut se référer aux 13 Constitutions qui ont défini en France la répartition des pouvoirs depuis la Révolution. Dans la Constitution de 1791 on peut lire : « Le roi est le chef suprême de l’armée de terre et de l’armée navale... », or le roi n’a aucun pouvoir, c’est l’assemblée nationale législative qui décide de la guerre. On retrouve une appellation équivalente dans la Constitution de 1946 de la IV° République : « Titre V. Du président de la République Article 33. Le président de la République préside, avec les mêmes attributions, le conseil supérieur et le comité de la défense nationale et prend le titre de chef des armées.»
Les présidents Vincent Auriol et René Coty qui ne détenaient aucun pouvoir exécutif dans ce régime parlementaire recevaient donc le « titre » de « Chef des Armées »
C’est ce qui a été repris dans la constitution de 1958 qui est toujours en vigueur : Article 15. Le président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale.
« Chef des Armées » il s’agit d’un titre qui signifie que le président de la République est au sommet de la hiérarchie militaire sans qu’il ait pour autant le droit d’engager les armées.
Remarquons que la reine d’Angleterre est « chef des armées » de la plupart des états du Commonwealth mais que ce n’est pas elle qui a décidé de l’expédition des Malouines.
A l’évidence ce n’est pas l’interprétation qui en est faite actuellement. Depuis des décennies les Présidents de la République s’arrogent le droit d’intervenir n’importe où sans en référer au Parlement. Cela nous a valu les interventions au Rwanda, en Afghanistan, en Serbie, en Libye, en Syrie pour des raisons souvent humanitaires ou de promotion de la démocratie sans que les intérêts de la France ne soient menacés.
Il faut rapprocher cette situation de celle du second empire, la Constitution de 1852 reprise par Napoléon III, précisant : « Titre III Du président de la République Article 6. Le président de la République est le Chef de l’État ; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre... » Cela nous a valu la guerre de Crimée, l’expédition du Mexique, le sac du Palais d’été à Pékin pour finir à Sedan.
Cette affaire montre également le mépris dans lequel le Président tient le Parlement auquel il conteste le droit d’être correctement informé et les militaires qui doivent se taire et obéir.
14:39 Publié dans actualites, Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : président, chef des armées, parlement, napoléoniii, villiers
20/01/2013
Chef des armées
A l’occasion du début de l’intervention au Mali, on a pu lire ici et là que le Président de la République avait pris la décision en tant que « Chef des Armées ». C’est faux ce titre ne lui donne aucun pouvoir d’engager une action militaire.
Il faut pour s’en convaincre rechercher l’origine de ce titre en lisant les Constitutions qui se sont succédées en France depuis la Révolution, il y en a eu 13. On constate que Louis XVI en 1791, Vincent Auriol et René Coty sous la IV° République, avaient aussi le titre de « Chef des Armées » sans disposer du moindre pouvoir d’engager des forces armées. Ce titre signifie seulement que le Président de la République est au sommet de la hiérarchie militaire comme l’est également la Reine d’Angleterre pour la plupart des armées des pays du Commonwealth.
La lecture des 13 Constitutions françaises montre qu’il y eut deux catégories de régimes, les régimes autoritaires, monarchies ou empires où la chef de l’Etat disposait du pouvoir de déclarer la guerre et les régimes démocratiques, en fait les républiques, où la déclaration de guerre nécessitait l’accord du Parlement.
Comme on ne déclare plus la guerre en cas d’intervention extérieure, il a fallu se raccrocher à quelque chose et on a abusivement interprété l’article 15 de la Constitution qui déclare : « Le président de la République est le chef des armées ».
Depuis le début de la V° République, les présidents qui se sont succédés se sont comportés comme Napoléon III, engageant les Armées Françaises au quatre coins du monde sans que le Parlement réagisse.
L’article 35 qui était : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. » a été modifié récemment pour rétablir un certain contrôle du Parlement sur les opérations extérieures :
Article 35 La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.
Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.
Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.
Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante.
On peut constater que le gouvernement s’est conformé strictement à cette procédure, ce qui n’était pas toujours le cas jusqu’à maintenant.
Ce n’est donc pas en tant que « Chef des Armées », titre honorifique, que l’intervention au Mali a été ordonnée, mais en application du nouvel article 35.
Dernière remarque : Actuellement il n'est écrit nulle part que l'engagement des forces de dissuasion revient au président de la République.
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15:52 Publié dans actualites, Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chef des armées, intervention extérieure, constitution, parlement, déclaration de guerre, gouvernement, dissuasion