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30/11/2014

La deuxième mort de Madame de Sévigné

J’ai d’abord cru à une blague, mais non c’est bien vrai : dans 45 états d’Amérique et aussi en Finlande, on va abandonner l’enseignement de l’écriture cursive ; on maintient - mais pour combien de temps ? – le script, une forme d’écriture où les lettres ne sont pas attachées ; il semble même que ce soit la seule déjà enseignée dans les écoles publiques américaines, elle serait plus démocratique !

En contrepartie on enseignera la maîtrise du clavier d’ordinateur qui sera utilisé dès le cours préparatoire avec l’idée que maintenant les notes seront prises et les devoirs seront faits, sur une tablette ou un ordinateur.

Les professeurs se réjouissent déjà de ce qui va faciliter leur travail leur évitant de déchiffrer les hiéroglyphes de leurs élèves.

Imagine-t-on Madame de Sévigné écrivant en script ou sur son ordinateur à Madame de Grignan sa fille. Elle doit se retourner dans sa tombe.

J’ai, il y a peu, à l’occasion de la promesse du président de généraliser l’usage de la tablette dans les écoles, écrit un texte disant que l’effort est nécessaire à la réussite scolaire, prônant l’usage du tableau noir et de la craie et bien sur du papier, j’avoue que je ne pensais pas que l’on en était là dans l’avachissement généralisé et le culte de la facilité. J’en parle d’autant plus aisément que j’ai toujours mal écrit, et que l’usage d’un stylo a toujours été pour moi un effort. Maintenant j’avoue que je rédige sur un ordinateur, mais l’écriture manuscrite oblige à réfléchir et à rédiger correctement, je ne pense pas que j’aurais fait les mêmes études et acquis les mêmes connaissances si j’avais eu à rédiger sur une machine qui corrige plus ou moins les fautes d’orthographe. Dans le même ordre d’idée j’ai appris le grec et le latin, langues qui nécessitent un effort d’analyse pour être comprises, et je ne le regrette pas.

Ce qui m’ennuie c’est qu’en France on doit être plus ou moins au même niveau, au moins dans certaines écoles : il m’est tombé sous les yeux il y a quelques jours un devoir d’un élève du niveau du brevet, instruit dans une école ayant abandonné les notations. J’ai constaté que l’élève utilisait le script, les lettres étant toutes détachées, ce devait être l’usage ; le devoir apprécié AB était constellé de ratures et de fautes d’orthographe et je ne dis rien du texte rédigé.

On va vous parler d’égalité des chances, je ne pense pas que les chances de cet enfant étaient grandes.

Il paraît que « à l’âge où l’écriture manuscrite s’efface, notre civilisation connaît un véritable « âge d’or de l’écrit » souligne une « professeure » d’Anglais, se référant aux mails, SMS, tweets et autre posts sur Facebook. Quand on se porte sur les réseaux sociaux on ne peut qu’être affligé de la bêtise des échanges, de la pauvreté des textes et de l’orthographe, le tout bien adapté à notre civilisation du futile et de l’immédiat.

A l’occasion du centenaire de la guerre de 14-18, on nous présentait des lettres de poilus rédigées dans l’inconfort des tranchées ; pour beaucoup on pouvait admirer la calligraphie à la plume « sergent major » Si les rédacteurs avaient eu à leur disposition internet et les réseaux sociaux, il ne nous serait rien parvenu de ces témoignages.

Les « apprenants » actuels ne sauront même plus envoyer une carte postale quand ils « feront » l’Egypte ou Venise.

Il est vrai qu’on leur aura appris par contre à se débarrasser de leurs stéréotypes sexistes.

 

http://dejudasatartuffelettresaumonde.hautetfort.com