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10/04/2019

Rwanda: Qui a abattu le Falcon présidentiel?

Il y a exactement 25 ans, le 6 avril 1994, deux missiles abattaient le Falcon du président du Rwanda Habyarimana. Cet attentat déclenchait le massacre de 800 000 rwandais connu sous le nom du génocide des Tutsis. Cet anniversaire a réveillé tous ceux qui, y compris en France, accusent la France d’avoir armé les « génocidaires » et exfiltré les coupables.

Cette présentation des faits a pour objet de faire porter la responsabilité des massacres sur l’ethnie Hutu au pouvoir depuis 20 ans alors que les Tutsi, moins nombreux, environ 14%, sont traditionnellement l’ethnie dominante. Les dirigeants Tutsi s’étaient repliés en Ouganda avec l’idée de reprendre le pouvoir et fondaient le FPR. A la suite d’une première tentative en 1990, le Président Mitterand décidait de faire intervenir la France – opération Noroit - pour soutenir le gouvernement légal Hutu auquel le liaient des accords de défense. La France pensa régler la question par un partage de pouvoir par les accords d’Arusha en Tanzanie. C’est à son retour d’Arusha que le Président du Rwanda était victime de l’attentat contre son avion alors qu’il atterrissait à Kigali.

Depuis la thèse officielle est que des extrémistes Hutu avaient programmé le génocide des Tutsi et abattu l’avion du président qu’ils accusaient de compromission avec les Tutsi.
Savoir qui a commis l’attentat est donc primordial pour connaître les responsables des massacres.

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (le TPIR) mandaté par l’ONU a conclu que la génocide n’avait pas été programmé mais avait été déclenché par la fureur des partisans du président Habyaramana à la suite de l’assassinat de leur chef.

Les Etats Unis et la Grande Bretagne qui soutiennent Kagamé, ont constamment agi pour que le TPIR n’enquête pas sur l’attentat prétendant que ce n’était pas dans sa mission. Avec une grande constance celui-ci refusa tout d’abord d’enquêter.

En 1996 pourtant le TPIR envoya des enquêteurs au Rwanda sous la direction de Michael Hourigan. Le rapport conclut à la responsabilité du FPR tutsi, il obtint même les noms de ceux qui auraient abattu l’avion sur ordre du général Kagamé, ce rapport fut immédiatement étouffé.

A la suite de la plainte des familles de l’équipage français du Falcon 50, le juge Bruguière chargé de l’enquête en 1998, obtint une copie du rapport Hourigan que celui-ci authentifia.
Ce que l’on ignorait encore c’est que Louise Arbour procureur général du TPIR, ayant en 1999 diligenté une seconde enquête, ses rédacteurs, trois fonctionnaires de l’ONU accuseraient formellement le général Kagamé d’avoir ordonné l’assassinat de son prédécesseur. Ce rapport qui ne fut pas diffusé, fut rendu public par Marianne sur son site internet. Il précise le nom de l’instructeur des deux tireurs, l’origine des missiles, des SA 16 IGLA provenant d’un stock vendu à l’Ouganda par la Russie – le FPR se fournissait auprès de l’armée ougandaise -, la façon dont les missiles avaient été acheminés à la ferme Masaka, emplacement du tir, et les noms des deux tireurs. Notons que les FAR hutu ne disposaient pas de tels missiles.

Deux juges d’instruction ont enquêté sur l’attentat, le juge Bruguière et un espagnol Fernando Morelles. Au terme de son enquête en 2006 le premier a émis 9 mandats d’arrêt internationaux contre des proches de Paul Kagamé le second 40.

C’est à ce moment que Paul Kagamé accusa la France de complicité dans le génocide, livraison d’armement aux Hutu pendant les massacres, protection puis exfiltration des « génocidaires » au cours de l’opération Turquoise décidée pour mettre fin aux massacres. Ces accusations furent relayées par des médias français complaisants dont le journal Le Monde. Contre toute évidence, ils continuent à soutenir la thèse de l’attentat commis par les Hutus et des compromissions de la France dans le « génocide » notamment au cours de l’opération Turquoise.

En 2007 l’enquête est reprise par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux qui font procéder à des expertises acoustiques et à une simulation du tir par informatique. L’expertise acoustique ayant été conduite en France en terrain plat et avec un autre missile ne signifie rien. Quant à la simulation informatique, les hypothèses simplificatrices retenues lui enlèvent toute pertinence et on peut regretter que le juge Trévidic en ait tiré des conclusions sur le lieu du tir qui était dans la zone contrôlée par les Hutu, contredisant l’enquête Bruguière.

Toutefois le juge Trévidic sollicita le témoignage de deux transfuges tutsi. Le premier Patrick Karageya qui fut chef des services secrets fut retrouvé assassiné en janvier 2014 à Johannesburg, le second le général Faustin Kayumba Nyamwasa a échappé à deux tentatives de meurtre - il a quand même témoigné devant notaire à Prétoria - curieux destins. Depuis un autre témoin qui avait accepté de témoigner disparut à Nairobi.

Quatre rapports convergents, des témoignages, la disparition de témoins clé, montrent qu’à l’évidence l’auteur de l’attentat contre l’avion présidentiel est le général Kagamé, d’autant que dés le lendemain le FPR reprit les opérations et est maintenant au pouvoir.

Toutefois les recherches du juge Trévidic ayant brouillé une évidence, permettent au parquet de grande instance de Paris de requérir un non lieu le 10 octobre 2018. Les magistrats Jean Marc Herbaut et Nathalie Poux ont estimé le 21 décembre 2018 ne pas disposer de charges suffisantes pour renvoyer devant une cour d’assises les huit Rwandais sous mandat d’arrêt, dont sept cadres, proches du pouvoir actuel, soupçonnés d’être impliqués dans l’attentat.

Cette décision a du satisfaire le pouvoir désireux de normaliser les relations avec le Rwanda avec lequel nous avions rompu les relations diplomatiques entre 2006 et 2009.

Il est probable toutefois qu’il va être fait appel. La suspicion d’une justice sous tutelle n’a cessé de polluer cette information judiciaire ouverte en 1998 pour «assassinat et complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ».

En attendant le Rwanda et les médias, pour beaucoup français, n’ont pas abandonné leurs accusations d’assistance aux Hutu pendant le génocide et en particulier au cours de l’opération Turquoise.

 

 

 

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